L'agriculture intelligente face au climat a besoin de systèmes de marché fonctionnels pour devenir un outil efficace de résilience climatique.

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Les projets agissant sur la résilience des systèmes de marché identifient les prérequis nécessaires pour le développement des systèmes et les partenaires qui ont la volonté et la capacité d’initier des idées.

Il est possible d'établir des marchés fonctionnels pour des systèmes de production agricoles écologiques et durables afin d'inciter les petits exploitants agricoles à adopter des solutions nouvelles et innovantes qui améliorent leur résilience au climat ou réduisent la déforestation. Cela nécessite une vision holistique des systèmes de marché. Le risque financier d'une perte de rendement due aux effets négatifs du changement climat constitue une incitation forte au changement. En ciblant des activités visant à éliminer les goulots d'étranglement qui entravent actuellement l'attrait pour des systèmes agricoles plus durables et leur adoption, nous pouvons rendre les systèmes agricoles durables et les marchés, accessibles à un plus grand nombre d'agriculteurs afin d'améliorer leurs moyens de subsistance, tout en renforçant leur résilience au climat.

D'une manière générale, l'approche DSM est une approche flexible qui engage le secteur privé dans le développement, libérant ainsi les potentialités des systèmes de marché. Au cœur de chaque intervention d'un programme DSM se trouve un modèle d'entreprise durable, qui vend des produits et des services nécessaires et demandés par le marché. Les changements au sein des systèmes de marché ne sont pas le fait du maitre d’œuvre, mais plutôt des partenaires locaux. Les projets agissant sur la résilience des systèmes de marché identifient les prérequis nécessaires pour le développement des systèmes et les partenaires qui ont la volonté et la capacité d’initier des idées. Les incitations à mettre en œuvre des changements dans un système de marché peuvent être obtenues grâce au co-investissement, à l'effet de levier des partenaires, à la facilitation des idées et à la réduction des risques financiers des projets pilotes.

L'approche « développement des systèmes de marché » (DSM) met en relation les acteurs économiques ou politiques pour apporter des changements durables dans les incitations, les règles, les normes ou les fonctions d'appui au sein des marchés, afin d'améliorer les conditions de participation à ces marchés pour les femmes et les hommes les plus démunis.

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Prise en compte des facteurs d'échelle, de durabilité et de temps

L'échelle et la durabilité sont des concepts fondamentaux dans l’approche DSM qui constituent un défi particulier lorsqu'il s'agit d'aborder les questions liées à l'environnement et au climat. L’approche DSM vise à apporter un changement systémique à grande échelle - souvent dans le but de permettre à des milliers d'agriculteurs d'adopter de nouvelles pratiques et de bénéficier de systèmes plus durables. Il existe des exemples de réussites où des pratiques résilientes au climat ont été adoptées à grande échelle lorsqu’il y a eu les incitations au changement de comportement nécessaires. Mais souvent, les investissements dans les "marchés verts" ont été réalisés en ciblant des cultures d'exportation à forte valeur ajoutée, pour lesquelles la prime de prix couvre les coûts de production plus élevés. Cette approche peut s'avérer très attrayante pour obtenir des gains rapides dans le cadre d'un projet de DSM, mais il existe un risque que ces investissements n'atteignent pas l'échelle voulue ou que les petits exploitants les plus pauvres ne soient pas en mesure de répondre aux exigences de qualité, par exemple pour les produits biologiques qui nécessitent des systèmes de traçabilité et de certification onéreux.

Le temps est également un facteur critique lorsqu'il s'agit de modifier des systèmes pour qu'ils deviennent plus respectueux de l'environnement et plus intelligents sur le plan climatique. L'approche DSM nécessite des projets plus longs pour pouvoir entraîner des changements durables, alors que de nombreux cycles de financement des bailleurs de fonds exigent des résultats en l'espace de quelques années. Les bénéfices liés au passage à un système agroécologique, par exemple, prennent du temps à se matérialiser, et les avantages économiques rapides dont les agriculteurs pauvres ont besoin pour les inciter à adopter de nouvelles technologies ne sont tout simplement pas au rendez-vous. Étant donné que la plupart des produits agricoles n'ont qu'une récolte par an, il n'est guère possible de faciliter les changements de pratiques dans le cadre d'un projet de courte durée. Souvent le changement de système requière un changement culturel ; en Amazonie, les agriculteurs en sont venus à considérer le bétail comme leur principale source de revenus, ce qui a fortement contribué à la déforestation. Faciliter le changement culturel nécessaire pour les persuader de développer d'autres moyens de subsistance plus respectueux de l'environnement et de la forêt nécessite un investissement holistique à long terme.

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Les objectifs climatiques doivent être intégrés dès le départ dans la conception des programmes

C'est en grande partie la prérogative des bailleurs de fonds de décider comment un programme spécifique s'inscrit dans une perspective stratégique plus large et de permettre à ce programme de s'appuyer sur d'autres engagements, pour que tous, puissent contribuer à un même objectif global à partir de perspectives différentes. En complément du maitre d’œuvre qui est limité au cadre d’un programme spécifique, le donneur a un rôle important à jouer en engageant le gouvernement local et les principales parties prenantes, et en concevant des contrats qui favorisent l'enrichissement mutuel avec d'autres programmes. Le donneur définit également la durée de l'engagement et a la responsabilité principale de fixer des objectifs et des cibles qui permettront d’encourager les aspects de durabilité à long terme et ne se contenteront pas de chiffres en matière de sensibilisation et d'engagement.

Il est préférable de ne pas être trop ambitieux dans la définition des objectifs environnementaux ; les meilleurs résultats sont obtenus lorsque les objectifs sont objectifs et réalistes. Si la protection de l'environnement devient le seul objectif, cela peut nuire à la capacité de commercialisation du programme, et ses interventions risquent davantage d'échouer. Les stratégies mixtes offrent un compromis et un moyen de parvenir à un changement à grande échelle tout en promouvant des pratiques plus durables. Les produits conventionnels ne peuvent pas être totalement évités et il est nécessaire de trouver un équilibre entre les interventions à court et à long terme, par exemple entre les engrais conventionnels et les engrais biologiques.

Une collaboration plus étroite avec le secteur public est nécessaire

Certains aspects de l'adaptation au changement climatique, de l'atténuation de ses effets et de la protection de l'environnement sont par nature publics. Toutefois, la plupart des programmes de DSM tendent à se concentrer principalement sur les engagements du secteur privé et visent à renforcer ce dernier pour qu'il soit le moteur d'un système de marché inclusif, y compris en l'engageant dans des activités de plaidoyer pour l'élaboration des politiques publiques. Cependant, les projets de DSM, en général, ont eu du mal à dépasser le stade du plaidoyer pour s'engager directement au niveau politique et contribuer à des changements concrets, par exemple dans l'élaboration d'une nouvelle législation ou la mise en place de structures pour sa mise en œuvre ou son application efficace. Une collaboration plus étroite avec le secteur public dans l'ensemble des programmes de DSM est recommandée pour obtenir davantage de traction et parvenir à la durabilité environnementale/climatique en particulier. Cette intention doit être intégrée dès la conception du programme, dans ses engagements et ses exigences en matière d'établissement de partenariats, ainsi que dans ses objectifs et ses cibles. Il existe des preuves de résultats positifs lorsque le donneur joue un rôle actif dans l'amélioration du dialogue politique et dans la conduite des changements politiques en utilisant efficacement son portefeuille de projets et ses réseaux.

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La gestion des compromis n'est pas facile

Il y a des compromis à faire entre les différents systèmes respectueux de l'environnement. Par exemple, les systèmes de semis direct peuvent améliorer la teneur en matières organiques et la rétention d'eau dans les sols, mais ils peuvent nécessiter davantage de désherbage, voire une application accrue d'herbicides. Les considérations environnementales/climatiques ne sont généralement pas évidentes. En outre, elles doivent être mises en balance avec les bénéfices socio-économiques potentiels pour les plus démunis. Dans certains cas, il s'agit de choisir entre le moindre de deux maux, chacun ayant son propre impact sur l'environnement et le climat. L'important est alors de considérer cela comme une approche progressive pour atteindre un objectif à plus long terme au-delà du cycle de programmation. Par exemple, un projet de DSM soucieux de l'environnement doit-il travailler avec des aliments de base tels que le maïs ou le riz, alors qu'ils ont des implications environnementales directes telles que la réduction de la fertilité des sols ou les émissions de gaz méthane ? Ou bien doit-il promouvoir la diversification de ces cultures de base au profit de cultures plus adaptées aux conditions climatiques sèches, telles que le sorgho et le millet ? Ou faut-il plutôt qu’il s'attaque aux émissions de gaz dans le riz paddy, culture de base dominante, en se concentrant sur l'introduction de pratiques intelligentes sur le plan climatique, comme le drainage récurrent pour réduire le blocage de l'eau et la quantité de bactéries à l'origine des émissions de méthane ? Il n'y a pas de réponse simple, car il est important que les programmes de DSM aient un impact à grande échelle. Travailler sur les pratiques culturales des denrées de base pour qu’elles soient plus tolérantes au changement climatique, par exemple, permettra de toucher une très large population, alors que se concentrer sur le développement de cultures alternatives qui ne représentent pas pour l’instant une part importante du système alimentaire du pays, touchera certainement qu’une plus petite partie de la population, du moins à court terme. Une pondération de ces objectifs contradictoires est nécessaire au cas par cas mais ces deux stratégies ont de la valeur. Une combinaison basée sur la coordination des programmes par les bailleurs de fonds pourrait permettre de cibler les deux aspects lors de deux programmes distincts, car si les ressources d'un même programme sont trop dispersées, l'objectif peut être dilué et l'efficacité réduite.

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La création d'incitations est essentielle

La motivation d’adopter des pratiques de production adaptées au climat, n'est pas toujours de faire des bénéfices mais plutôt de réduire les coûts, par exemple en introduisant le compostage dans une exploitation au lieu d'acheter des engrais chimiques coûteux. Pour la plupart des agriculteurs avec lesquels nous travaillons, le changement climatique est aussi directement lié à la réduction des risques de catastrophe ; le climat et le risque financier sont indissociables. Dans les programmes de résilience au changement climatique, il est important de trouver un équilibre entre le profit et le risque, et les considérations environnementales viennent alors naturellement.

Même si cela ne semble pas être une méthode d'atténuation du changement climatique, le fait de se concentrer sur l'augmentation de la production et d'investir dans des systèmes de qualité alimentaire, tout en promouvant une production efficace et de haute qualité, permet de maximiser la production et minimiser les déchets. L'amélioration des pratiques d'hygiène et de gestion post-récolte tout au long de la chaîne d'approvisionnement alimentaire peut également accroître l'efficacité et réduire les déchets alimentaires. En améliorant, par exemple, la productivité et la qualité de l'élevage bovin dans les zones déboisées, il est possible, tout en maintenant les niveaux de production, de réduire le nombre de bovins nécessaires et donc l'impact sur la forêt. Cela peut se faire parallèlement à la promotion d'autres moyens de subsistance durables afin d'améliorer la résilience. Une augmentation de la production par unité de surface va permettre la réduction de la surface à cultiver ou de la taille du cheptel, et limiter les émissions de CO2 nécessaires pour chaque produit consommable, ainsi il sera possible de laisser plus de terres pour le biote naturel qui peut absorber davantage de CO2. Cette simple équation est souvent négligée dans les programmes climatiques car elle ne semble pas aussi innovante que, par exemple, l'investissement dans des systèmes d'irrigation à énergie solaire, mais elle peut avoir un impact beaucoup plus important sur le climat.

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S'appuyer sur les expériences de NIRAS

NIRAS est en mesure de tirer de nombreux enseignements des résultats obtenus au cours des 12 années de mise en œuvre du programme Agro biodiversité au Laos, financé par la Direction du Développement et de la Coopération suisse (DDC), ainsi que du programme de Croissance Economique Verte pour les provinces de Papouasie financé par le bureau des affaires étrangères et du Commonwealth (en anglais Foreign and Commonwealth and Development Office FCDO) et l’agence des Etats-Unis pour le développement international (en anglais United States Agency for International Development USAID), qui a promu l'agroforesterie et l'économie verte en Indonésie. Nous tirons également des leçons de la mise en œuvre en cours du programme CASA (Agriculture commerciale pour les petits exploitants et les entreprise agroalimentaires) financé par le FCDO, dans le cadre duquel des investissements accrus dans des systèmes intelligents face au climat et des activités de réponse rapide COVID-19 ont démontré qu'il est possible de stimuler les marchés dans des circonstances difficiles. Le projet d'Accès aux Marchés et aux Semences (MASAP) financé par la DDC au Zimbabwe et en Zambie commence à montrer des résultats concrets après la première saison de production, nous venons aussi en suivant la même approche de lancer la phase de mise en œuvre d’un projet sur les produits forestiers non ligneux au Tchad. Pour en savoir plus, consultez notre site web ou suivez-nous sur LinkedIn.

Kristina Mastroianni est responsable du secteur agricole de NIRAS et directrice d'un certain nombre de programmes phares de NIRAS (y compris CASA et MASAP ci-dessus), ce qui lui permet de coordonner les enseignements tirés de l'ensemble des activités de NIRAS.

Kristina Mastroianni

Kristina Mastroianni

Agriculture Sector Lead

Stockholm, Sweden

+46 8 545 533 32